Proportionnellement à la solennité de la tâche à remplir, être juré d’assises entraîne plus de contraintes que de véritables droits.
Du moins, la liste des droits est si courte qu’elle peut être rapidement évincée.
Le Code de procédure pénale prévoit en effet à son article 311 alinéa 1er que sur autorisation du président de la Cour d’assises, les jurés ainsi que les assesseurs ont la possibilité de questionner tant le ou les accusés que les témoins.
Cependant, si tel n’était le cas, la procédure n’en serait pas pour autant viciée et la défense ne s’en trouverait pas pour autant préjudiciée dans ses droits.
Ce droit de questionnement conféré aux jurés et assesseurs ne peut leur être retiré et le président de la session devra les en avoir informé.
Toutefois, la loi délimite le périmètre de ces questions. En effet, la question du juré ou de l’assesseur ne doit pas traduire d’opinion concernant :
- la culpabilité de l’accusé ;
- l’innocence de l’accusé ;
- les éléments de preuve en débat.
D’ailleurs, le champ de cette interdiction est bien plus vaste et général que les simples questions et méritera d’être détaillé plus avant dans le cours du développement.
À titre d’exemple, certains adjectifs utilisés en agrément d’une question posée à un expert peuvent être interprétés comme l’expression d’une opinion et dès lors, illicites.
En revanche, qualifier un coup de couteau de « sournois », par exemple, a été jugé par la jurisprudence comme manifestant une opinion préconçue[1] mais néanmoins licite.
De même pour un enquêteur chargé de l’affaire cherchant à savoir « s’il n’est pas étonnant que l’accusé n’ait pas jeté son arme avant de sauter »[2].
La jurisprudence a donc une interprétation relativement souple de cette interdiction de manifester une opinion dans les questions posées aux témoins ou accusés.
A contrario, les devoirs reposant sur les jurés n’en sont pas pour autant moins stricts (§1) et l’interdiction de manifester son opinion vaut par ailleurs de façon plus contrôlée (§2).
§1 - Les devoirs liés à l’attitude des jurés à la Cour d’Assises de Montpellier
A/ Le devoir de présence pesant sur les jurés à la Cour d’Assises de Montpellier
Dès lors qu’un juré d’assises n’a pas obtenu de dispense, il est dans l’obligation de siéger durant toute la durée de l’affaire.
Ce devoir de présence est impératif d’autant qu’en cas d’absence du juré, le président est dans l’obligation de tirer au sort un juré supplémentaire.
À défaut, l’incidence de cette absence sera d’autant plus grave qu’elle est susceptible d’entraîner la nullité des débats.
Il en est de même lorsque l’absence d’un juré est temporaire et ne dure qu’un instant.
Toutefois, tel n’est pas le cas d’un juré qui essuie un retard de quelques minutes à la reprise de l’audience[3] dans la mesure où les débats n’ont pas été interrompus et que les parties n’ont relevé aucun incident sur ce point.
À cette obligation de présence, s’ajoute un devoir d’attention d’origine également légale.
B/ Devoir d’attention des jurés devant la Cour d’Assises de Montpellier
Corollaire du serment prévu à l’article 304 du Code de procédure pénale, les jurés se doivent « d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges » qui sont portées à leur attention au cours des débats en vertu du principe d’oralité du procès criminel.
À ce titre, il est intéressant de noter que l’article 340 du Code de procédure pénale autorise aux jurés la prise de note au cours des débats.
Bien entendu, cette possibilité ne doit pas aller à l’encontre du secret professionnel auquel ils sont soumis.
Selon la jurisprudence criminelle, le manque d’attention d’un juré doit avoir été durable pour se voir caractérisée. Tel est notamment le cas lorsqu’un juré s’est endormi pendant une partie des débats[4] et qu’il a ronflé.
En revanche, le simple rappel à l’ordre par le président de session n’est pas suffisant pour caractériser le défaut d’attention.
Parmi les missions dont les jurés d’assises se trouvent investis, les interdictions en découlant son intimement liées.
§2 – Les interdictions inhérentes à la qualité de juré d’assises à Montpellier
Du secret professionnel découle une interdiction de communiquer des quelconques éléments débattus avec l’extérieur ou avec des tiers.
A / L’interdiction de communiquer en dehors des membres du jury à la Cour d’Assises de Montpellier
À l’exception des autres jurés tirés au sort et des magistrats qui composent la Cour d’assises, les jurés et assesseurs ne peuvent en aucun cas discuter de l’affaire librement.
Ainsi, s’ils ont la possibilité de partager leur réflexion entre membres du jury, ils ne doivent en aucun cas avoir d’échange avec les parties ou leurs avocats, avec les témoins et experts ou autres tiers qui comprennent les gardes, témoins, personnes appelées à la barre ainsi que les personnes présentent dans la salle d’audience.
Les conséquences de la violation de cette interdiction sont lourdes et emporte l’exclusion du juré de la suite des débats.
Toutefois, le point de départ de l’interdiction de communiquer ne s’applique qu’à compter du moment où le jury est formé.
En revanche, cette obligation n’exclue pas tout contact de la part des jurés avec le reste de la salle.
De façon prétorienne, il a été précisé que « le fait de solliciter d’un témoin qu’il indique à un juré la page d’un cahier sur lequel figurent les annotations dont il a fait état n constitue pas une communication »[5].
De toute évidence, un juré qui échangerait avec une personne de la salle au cours de la suspension de l’audience sur un sujet étranger aux débats ne se rendrait pas coupable de la violation de cette interdiction.
Dans tous les cas, le caractère illicite de l’échange devra être prouvé tout comme le fait que l’échange a pu avoir une influence sur le jury[6].
B/ L’interdiction d’exprimer une opinion personnelle devant la Cour d’Assises de Montpellier
Outre le fait de poser des questions, l’interdiction d’exprimer une opinion personnelle est générale et absolument en ce qui concerne les sessions d’assises.
Plus exactement, l’interdiction porte sur les opinions traduisant un préjugé relatif à la culpabilité de l’accusé, en violation de l’article préliminaire du Code de procédure pénale.
De façon prétorienne, diverses situations ont été reconnues comme illicites car révélatrices d’une opinion illicite :
- faire remarquer que l’accusé n’avait pourtant pas manqué sa cible alors que celui-ci prétendait ne pas savoir se servir d’une arme[7] ;
- à l’occasion d’une affaire d’infanticide, s’exclamer à l’occasion de l’audition d’un témoin que « la Cour est en présence du père de l’enfant et de l’auteur du crime »[8] ;
- exprimer sa confiance dans les propos déclarés par un témoin[9].
A contrario, un haussement d’épaule de la part d’un juré à l’occasion d’une déposition ou le fait d’applaudir un officier de police judiciaire ne constitue pas la manifestation d’une opinion prohibée[10].
Toute éventuelle violation de la part du juré de ses droits ou de ses devoirs, doit faire l’objet d’une mention au procès-verbal.
Par ailleurs, le juré reconnu fautif d’une violation de ses devoirs sera considéré comme incapable d’exercer cette fonction et devra être remplacé. De plus, une telle personne ne pourra plus être à nouveau tirée au sort pour être juré ultérieurement.
Écrit par Melle Pauline Douyère-Pétin sous la direction de Me Patrice Humbert avocat plaidant à Montpellier
[1] Crim., 28 janv. 1998, n°97-81.676.
[2] Crim., 6 mai 1975, Bull. crim. n°278.
[3] Crim. 4 juin 2008, n°07-87.917.
[5] Crim., 5 nov. 1891, bull. crim. n°208.
[6] Crim. 8 févr. 1977, bull. crim. n°284.
[7] Crim., 18 janv. 1855.