Pour l'adoption d’une charte éthique nationale pour l'utilisation des IA par les avocats
Vers l’adoption d’une charte éthique nationale pour les avocats pour l'utilisation des intelligences artificielles génératives : Une nécessité stratégique face aux mutations contemporaines.
Face à l’accélération des mutations technologiques, sociétales et réglementaires, la profession d’avocat, pilier de l’État de droit, ne saurait demeurer passive.
L’heure est venue de poser les fondations d’une charte éthique nationale, applicable à l’ensemble des membres du barreau français, afin de consolider l’unité de la profession, garantir une ligne de conduite claire et faire face aux défis systémiques, tant sur le plan national qu’international.
I. Contexte stratégique : une profession sous tension
La profession d’avocat est aujourd’hui confrontée à une conjonction de facteurs d’instabilité :
Technologisation accrue du droit, notamment par l’intégration d’intelligences artificielles génératives et prédictives dans les pratiques quotidiennes (JurisPredict, Lexis IA, ChatGPT Teams, etc.) ;
Évolutions sociétales profondes, marquées par une exigence de transparence, d’inclusivité et de responsabilité accrue des acteurs du droit ;
Tensions économiques pesant sur les jeunes confrères, les structures de taille modeste et les territoires éloignés des centres décisionnels ;
Inflation normative, avec l’entrée en vigueur prochaine de l’AI Act (Règlement UE 2024/1689), du Digital Services Act et des futures réformes de la procédure civile et pénale.
Dans ce contexte mouvant, il devient impératif d’adopter une doctrine commune de l’éthique professionnelle, claire, intelligible et unifiée sur l’ensemble du territoire.
II. Objectifs de la charte : un corpus de principes d’engagement et de responsabilité
Cette charte aurait pour vocation de s’inscrire en complément du Règlement Intérieur National (RIN) et des règles déontologiques édictées par le Conseil national des barreaux (CNB). Elle aurait une portée plus prospective et transversale, articulée autour de quatre axes fondamentaux :
L’intégrité professionnelle, fondée sur l’exigence absolue du respect du secret professionnel (Article 2 du RIN), de l’indépendance intellectuelle, et de la probité dans toutes les sphères de l’activité, y compris dans la communication et la gestion des réseaux sociaux.
La maîtrise des outils technologiques, imposant une responsabilisation des usages de l’intelligence artificielle dans la rédaction, l’analyse, la relation client et le traitement des données personnelles, en conformité avec le RGPD et l’AI Act.
La loyauté dans les rapports confraternels, visant à prévenir la judiciarisation abusive des conflits professionnels et à préserver l’esprit de corps, fondement de l’unité du barreau.
La responsabilité sociale et environnementale, appelant les avocats à s’engager dans une pratique responsable, soutenable et respectueuse des valeurs républicaines, notamment en matière d’accès au droit et de diversité.
III. Modalités d’élaboration et de déploiement : une gouvernance collégiale
La charte devrait être élaborée selon un processus collégial, associant :
- Le Conseil national des barreaux, garant de l’unité normative ;
- Les conférences des Bâtonniers,
- Les Ordres locaux, dans une logique de remontée des pratiques de terrain ;
- Les syndicats représentatifs, et les juristes académiques, pour assurer une approche pluraliste et éclairée.
Une consultation nationale des avocats pourrait être ouverte, via une plateforme sécurisée, afin de recueillir les observations et suggestions de la profession.
L’objectif affiché serait une adoption officielle de la charte d’ici à fin 2025, avec une mise en œuvre progressive au sein des Ordres et une intégration possible dans les serments de prestation de serment et les modules de formation continue.
IV. Une portée symbolique et opérationnelle à la hauteur des enjeux
Adopter une telle charte, c’est affirmer que la déontologie ne se résume pas à des normes contraignantes, mais qu’elle constitue le cœur battant d’un engagement civique, éthique et professionnel, dans un monde où les repères se diluent et les responsabilités s’éparpillent.
Il s’agit aussi de faire obstacle à toute dérive utilitariste de la profession, en rappelant que l’avocat est non un simple prestataire, mais un auxiliaire de justice, un protecteur des libertés et un acteur de la paix sociale.
Conclusion : le moment d’agir
Alors que le droit lui-même se transforme sous l’effet de la technologie et de la mondialisation, il revient à la profession d’avocat de montrer l’exemple en érigeant une boussole éthique nationale. Une telle charte n’est ni un luxe, ni une utopie. Elle est une réponse stratégique, lucide et attendue à une époque où chaque mot, chaque acte, chaque silence engage.
Le serment de l’avocat trouve ici un prolongement tangible. Il ne s’agit plus seulement de jurer de l’honorer. Il s’agit de le réaffirmer, collectivement, dans la lumière d’un texte partagé et d’une vision d’avenir.
Cette actualité est associée aux catégories suivantes : Droit des sociétés
- mars 2024
- février 2024

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